Abélard à
Maisoncelles-en-Brie
Un prieuré de Saint-Denis |
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Le témoignage de l'Historia calamitatum L'abbé Adam, pour avoir la paix, n'a pas d'autre solution que d'écarter son moine trop célèbre dans un prieuré dépendant de l'abbaye. Si Abélard parle d'un prieuré, ou plutôt d'une "cellule", il ne dit pas lequel et ne donne pas son nom. Une tradition bien établie veut que ce soit celui de Maisoncelles-en-Brie. |
Le prieuré Sainte-Marguerite de Maisoncelles |
Maisoncelles vers 1900 |
Abélard dit : "ad cellam quandam recessi". |
Héloïse serait venue à pied, en plusieurs étapes fatigantes, passant par Aubervilliers, Chelles, traversant la Marne à Lagny, rejoignant l'abbaye de Faremoutiers-en-Brie pour enfin rencontrer le maître à Maisoncelles à l'issue de son enseignement. Les deux amants se seraient regardés dans les yeux silencieusement puis auraient eu une longue conversation avant de terminer leur promenade près de l'étang que l'on voit aujourd'hui où la tentation de mettre fin à leurs jours aurait été surmontée. |
Il faut aussi donner la parole à un chercheur parisien, Mickael Wilmart de l'EHESS, qui le 20 octobre 2009, a publié sur son blog "Les carnets de mon accin" un article historique qui conteste la localisation de de cette "cella" à Maisoncelles. Il n'hésite pas à parler d'erreur grossière pour tout spécialiste de l'époque. Au début du XIIè siècle cette fameuse forêt du Mans, dit-il, ne serait pas encore défrichée. La paroisse de Maisoncelles n'aurait été créée qu'un siècle plus tard. Nous assisterions à Maisoncelles à la patrimonialisation d'une erreur historique. Cruel dilemme ! |
24 Novembre 2020... Mais comment
sortir de ce dilemme ? |
Retraite studieuse
Abélard est sans doute resté dans ce prieuré pendant
trois ans , jusqu'à ce que se produise le conflit du
concile de Soissons en mars-avril 1121. "et telle fut l'affluence des auditeurs, que le lieu ne suffisait pas à les loger, ni la terre à les nourrir. Là, conformément à ma profession religieuse, je me livrai particulièrement à l'enseignement de la théologie; toutefois je ne répudiai pas entièrement l'étude des arts séculiers dont j'avais plus particulièrement l'habitude et qu'on attendait spécialement de moi ; j'en fis comme un hameçon pour attirer ceux que la saveur de la philosophie avait appâtés à l'étude de la vraie philosophie, selon la méthode attribuée par l'Histoire ecclésiastique au plus grand des philosophes chrétiens, Origène. Et comme le Seigneur semblait ne m'avoir pas moins favorisé pour l'intelligence des Saintes Écritures que pour celle des lettres profanes, le nombre de mes auditeurs, attirés par les deux cours, ne tarda pas à s'accroître, tandis que l'auditoire des autres se dépeuplait : ce qui excita contre moi l'envie et l'inimitié des maîtres." Abélard, Historia calamitatum. Le programme d'Abélard n'a pas beaucoup changé. Les sciences profanes sont un préalable à l'étude de la théologie. Quoi qu'en dise Abélard les sciences profanes ne sont pas de simples appâts car c'est là qu'il excelle. Comme d'habitude la compétition avec les maîtres parisiens est vive et Abélard se fait gloire de leur soulever leurs élèves. Les écoles ne sont pas si nombreuses et les maîtres compétents encore moins ! On sait que chez Abélard le récit de ses malheurs se conforme toujours à une trilogie : succès intellectuels - jalousie des adversaires - persécution et catastrophe ! C'est néanmoins pendant cette période de calme qu'il rédige des oeuvres philosophiques importantes : Les gloses Super Porphyrium, le Liber super Periermeneias, (Aristote), Liber super Topica (Boèce) et un peu plus tard le Tractatus de intellectibus. |
La controverse théologique avec Roscelin C'est aussi pendant ce séjour à Maisoncelles que peut se situer la controverse avec Roscelin. Deux documents permettent de mieux comprendre cette controverse : La lettre de Roscelin à Abélard de 1119/1120 en réponse sans doute à une lettre perdue d'Abélard et la lettre 14 d'Abélard à l'évêque de Paris Gilbert pour demander une confrontation. Abélard a été entre 1095 et 1102 élève de Roscelin à Tours et à Loches. Déjà Roscelin, vers 1050- vers 1125, père du nominalisme avait été condamné en 1093 au (premier) concile de Soissons pour "trithéisme" dans son cours sur la Trinité. Abélard à Maisoncelles rédige aussi un traité sur la Trinité "la théologia summi boni". Les étudiants sont nombreux autour de lui: "une foule de barbares venus de toutes parts" dira Roscelin. Les critiques vont bon train et Abélard veut se démarquer des erreurs que Roscelin avait professées. Roscelin qui veut être plus qu'orthodoxe est du nombre des opposants à Abélard. La lettre que Roscelin écrit à
Abélard est particulièrement violente. Après des
exposés thèologiques assez longs, il en vient à des
injures personnelles et des jeux de mots orduriers
sur sa "queue" qui lui a été enlevée.
Roscelin dans cette conclusion aux arguments ad
hominem blessants accuse
Abélard de faire payer ses cours et de porter sa
recette à Héloïse comme si elle était sa prostituée.
Sous cette injure peut-être faut-il voir une
situation assez normale. Abélard a des devoirs
envers Héloïse. Peut-être aussi selon M. Clanchy, est-il devenu
le responsable et le gestionnaire de ce prieuré
que lui aurait confié Saint-Denis, car s'il donne des
cours c'est bien avec le consentement de ses frères moines. |
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