Contre Abélard
A son très vénéré
seigneur et bien-aimé père E..., par la grâce de Dieu
évêque de Palestrina, le fière Bernard, abbé de
Clairvaux; il faut servir le Seigneur avec force et
courage.
Persuadé que Vous êtes l'ami de l'Époux
et que vous vous plaisez à entendre sa voix, je viens
vous entretenir avec confiance des épreuves et des
désolations de l'Épouse du Christ. Si je ne me trompe
sur les dispositions de votre âme, je sais que le
Seigneur peut compter sur vous et que vous n'avez en vue
que les intérêts de Jésus-Christ. Pierre Abélard
se déclare dans sa vie, dans ses moeurs et jusque dans
les ouvrages qu'il publie, le persécuteur de la foi
catholique et l'ennemi de la croix du Sauveur. Sous
l'habit religieux il cache un hérétique déclaré, car il
n'a de religieux que l'habit et le nom. Il rouvre les
vieilles citernes et les sources à demi fermées des
hérésies pour y faire tomber les boeufs et les ânes.
Après avoir longtemps gardé le silence, il ne sort de sa
solitude de Bretagne où il a conçu la douleur, que pour
enfanter l’iniquité (Psalm. VII, 15) » dans, la France
entière. Le serpent aux mille replis est sorti de
la caverne et, pareil à l'hydre de la fable, il semble
qu'il lui est poussé sept têtes à la place de celle
qu'on lui avait coupée. Pour une hérésie, pour une tête
tranchée à ce monstre au concile de Soissons, il
en pousse sept autres; pour ne pas dire un plus grand
nombre; je m'en suis procuré la liste et je vous
l'envoie. A peine a t-il sevré ses écoliers du lait de
la logique encore nécessaire à leur jeunesse et à leur
ignorance qu'il 'applique ces esprits encore incapables
des premiers éléments de la foi, au mystère de la sainte
Trinité, à la contemplation du Saint des saints, et de
la demeure impénétrable de celui qui se plaît au milieu
des ombres et des mystères. Notre nouveau théologien a
de commun avec Arius de distinguer des degrés
dans la sainte Trinité ; avec Pélage, de faire le
libre arbitre supérieur à la grâce; avec Nestorius,
de diviser Jésus-Christ en niant l'union de son humanité
à la Trinité; et, poussant jusqu'au bout dans cette
voie, il parcourt à peu près tous les sacrements, touche
à tout avec audace et traite de tout d'après son
damnable système. De plus, il se vante d'avoir infesté
la cour de Rome elle-même du venin de ses nouveautés,
d'avoir fait recevoir et goûter des Romains ses livres
et ses maximes, et de compter enfin des partisans
dévoués dans tous ceux dans lesquels il ne devrait
trouver que des juges pour le condamner. Que Dieu veille
lui-même au salut de cette Église pour laquelle il a
donné sa vie afin qu'elle fùt à ses yeux sans souillure
et sans ride, et qu'il fasse condamner à un silence
perpétuel un homme dont la bouche ne vomit que
malédiction, amertume et erreur.
OEUVRES COMPLÈTES
DE
SAINT BERNARD
TRADUCTION NOUVELLE PAR M.
L'ABBÉ CHARPENTIER
PARIS,
LIBRAIRIE LOUIS DE VIVÈS, ÉDITEUR , 9, Rue
Delambre, 9, 1866
http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/bernard/index.htm
Pour les commentaires de Horstius et Mabillon, se
reporter au site de l'abbaye Saint-Benoit
qui a mis en ligne cette traduction, 08/12/2003
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