Le prieuré Saint-Étienne du Pallet
Histoire

Origines
Léon Maître (archiviste de Loire-Inférieure de 1871 à 1910) dans sa "Géographie historique de la Loire Inférieure" Rennes, Oberthur, 1895, T. II, p.XLVI écrit : "Le prieuré Saint-Étienne sur la route de Vallet fut la première église paroissiale. Son vocable  nous reporte à l'époque mérovingienne, comme celui de Saint-Vincent patron de l'église actuelle.(...) La paroisse très réduite aujourd'hui devait s'étendre  sur celle de Vallet dans le principe" . Saint-Étienne aurait vraisemblablement été fondé par  saint Martin de Vertou au milieu du VIème siècle. Paul de Berthou, p. 17, qui cite Léon Maître, semble se ranger à son avis et écrit précisément "le vocable de Saint-Étienne remonte aux origines et celui de Saint-Vincent indique en général l'époque mérovingienne".
C'est la même opinion qu'expriment J. de Malestroit et le R.P. Émile Laure dans "Histoire de Vallet " 1985 : Cette chapelle (de Vallet) relevait du prieuré Saint-Étienne  du Pallet, tout comme le territoire de la paroisse de Vallet fut, dans le principe, territoire de la paroisse du Pallet dont la première église paroissiale, de l'époque mérovingienne, était précisément celle de ce prieuré, sis hors les murs , sur la route de Vallet.
Werner Robl écrit en 2006 :"Le prieuré Saint-Étienne du Pallet est né probablement peu de temps après la fondation de Vertou." Entendons, la refondation du monastère après les incursions normandes soit au milieu ou à la fin du Xe siècle. Nous devons convenir qu'aucun document connu aujourd'hui ne cite le nom du prieuré Saint-Étienne avant l'aveu de 1498 (voir les sources)


Vue de Vertou - église du XIXe
Saint-Martin de Vertou

Martin né à Nantes vers 527 devient archidiacre de Félix évêque de Nantes de 550 à 583. Il est ordonné prêtre. Pour évangéliser le sud de la Loire resté païen Félix envoie son ami fonder le monastère de Vertou. Son activité d'évangélisation s'accompagne d'une activité économique, défrichage et construction de ponts, par exemple Pont-Saint-Martin sur l'Ognon. Des prieurés sont fondés, par exemple à Saint-Georges de Montaigu où Martin finira sa vie. Le prieuré Saint-Étienne du Pallet est-il aussi une fondation de saint Martin au VIème siècle ?

Le drame du 24 juin 843
La ville de Nantes est menacée par les Normands. Le 24 juin 843, jour de la Saint-Jean, tout le peuple qui a peur se rassemble dans la cathédrale autour de l'évêque Gohard. Les Normands pénètrent dans la ville sans défense. Ils défoncent les portes de la cathédrale égorgent l'évêque et mettent tout à feu et à sang. La panique gagne les moines de Vertou. Ils rassemblent leurs trésors et leurs reliques et quittent leur monastère emportant avec eux le corps de leur fondateur saint Martin.

Ils s'embarquent sur la Loire remontent jusqu'à l'embouchure du Thouet. De nombreuses péripéties émaillent ce voyage : barques chavirées, naufrages. Enfin ils remontent cette rivière jusqu'à Ension (Saint-Jouin de Marnes) et demandent l'hébergement au monastère bénédictin du lieu car celui-ci avait, au VIème, bénéficié du soutien de Martin de Vertou. Malgré un accueil peu favorable les moines de Vertou s'installent et déposent le corps de saint Martin dans la crypte au côté de saint Jouin et le monastère devient "monastère de saint Jouin et de saint Martin de Vertou".


Abbaye  de Saint-Jouin construite entre 1095 et 1130

Les Normands continuent leurs incursions sur la Loire. En 913 Nantes subit un nouveau massacre. Il faudra attendre Alain Barbetorte pour que Nantes soit reprise aux Normands en 937. Les moines de Saint-Jouin reviendront à Vertou et reconstruiront vers 985 une église sur les ruines de celle détruite en 843, avec l'appui de Renaud de Thorigné. Cette dernière construction ne tombera sous les pics des démolisseurs qu'en 1875.
Faut-il donc retenir aussi cette date de 985 pour la fondation de Saint-Étienne du Pallet ?

C'est certainement cette histoire commune Vertou/Saint-Jouin de Marnes qui explique la dépendance finale du prieuré du Pallet - et de nombreuses autres églises du sud Loire - au regard de Saint-Jouin de Marnes. L'abbaye continuera au cours des siècles à nommer et à présenter le bénéficiaire non seulement pour le prieuré Saint-Étienne mais aussi pour l'église Saint-Vincent jusqu'en 1774.

Sources et documents pour Saint-Etienne
Localisation

Le cadastre de 1960 ne nous donne aucune indication pour localiser au Pallet ce prieuré mais celui de 1817 le situe  bien et permet de précieux  recoupements avec les sources que nous possédons.

Cadastre de 1817 - Le Pallet

Plan d'ensemble : Entre la chapelle Saint-Étienne et le donjon la distance à vol d'oiseau est d'environ  240 m. La chapelle est située sur l'actuelle route de Vallet, rue des Templiers, au droit du village de la Bouillère. La prairie qui descend entre la chapelle et la Sanguèze est le "pré de l'abbaye." On trouve également "un pré des moines" en suivant sur 350 m la rue des Vignes vers le Bois Lambert. Une parcelle est dite de "l'école" à la Bouillère même, au carrefour de la rue des Vignes, de la rue Saint-Étienne et du chemin de la Barre. Le "jardin de la cure" qui aspecte l'actuelle rue des Templiers (parcelle n° 62) peut-il, lui aussi, être considéré comme une trace de la cure du prieuré ?

Le parcellaire du village de la Bouillère présente des  parcelles irrégulières et plutôt petites qui laissent supposer, selon W. Robl, que l'on se trouve au coeur du premier bourg. Ce que le cadastre de 1817 ci-dessus appelle le bourg du Pallet, au carrefour de la rue Pierre Abélard et de la rue des Templiers, serait un second bourg, d'origine castrale, plus proche de l'oppidum et du donjon, desservi par l'église Saint-Vincent.




La chapelle mesure environ 26 m de longueur sur 8,80 m de large.

Cadastre moderne de 1960 - village de la Bouillère.

Positionnement de la chapelle sur le nouveau cadastre. Son abside est tournée à peu près vers l'est (est-nord-est). Son angle nord-ouest est environ à 1,40 m de l'axe de la trappe d'égout et 7,40 m de l'angle du bâtiment de la parcelle 339. La construction de la rue des templiers à son emplacement au XIXe siècle ne permet plus de retrouver les vestiges de fondation.

Chemins  


Les chemins du Moyen Âge

1 - Chemin est-ouest : Mauges, Mouzillon, St-Etienne, chemin de la Barre, Le Plessis-Guerry, Monnières. Le chemin de la Barre s'appelle désormais la rue St-Etienne.

2 - Chemin nord-sud : Nantes, La Chapelle-Heulin, St-Etienne, gué Cothereau, Clisson, Poitou. On notera que le chemin qui descend de la Bouillère jusqu'à la rive droite du cours dérivé de la Sanguèze existe encore aujourd'hui. Au milieu de la descente sur la gauche, une porte maçonnée donne accès à une cave.

3 - 1er gué, gué Cothereau, abandonné lorsque le cours de la Sanguèze a été dérivé. On notera que le chemin sur la rive droite du cours primitif de la Sanguèze existe encore aujourd'hui.

4 - 2éme gué, gué du moulin après dérivation de la Sanguèze. En 1645 le dessin de Doomer confirme cette dérivation. Faut-il la rattacher à l'origine du prieuré ?

5 - Chemin de St-Etienne au bourg et à la halle du Pallet.

6 - Tracé nord-sud  (2) en remplacement du gué Cothereau.

7 - Accès à l'oppidum, au donjon et à l'église située en dehors du bourg et justement appelée St-Vincent-lez-Paletz.


Saint Martin de Vertou - église de Mouzillon

Saint-Étienne première paroissse du Pallet ?

La bulle d'Alexandre III du 17 mai 1179 confirme les possessions de l'abbaye de Saint-Jouin de Marnes. Parmi la longue liste d'églises figure "ecclesiam de Palacio" entre l'église de Gorges "de Gorgio" (dont le patron est saint Martin de Vertou) et l'église de Mouzillon "de Mandilonio" (dont le patron est aussi saint Martin). Les églises de la Chapelle-Heulin, de Monnières, de la Trinité et de Saint-Jacques de Clisson, de Gétigné, de Saint-Martin de Vertou, du Loroux, de Sainte Radegonde de Goulaine etc ... sont également citées. On voit bien que tout ce sud Loire porte la trace de l'effort d'évangélisation de saint Martin de Vertou au VIe siècle à travers la juridiction de Saint-Jouin de Marnes au XIIe siècle.

Quand la bulle d'Alexandre III cite l'église du Pallet, s'agit-il de l'église Saint-Vincent à coté du donjon ou bien du prieuré Saint-Étienne ?


Saint Martin de Vertou - église de Gorges - XIXe

La même question se pose pour le diplôme de Louis VI de 1123 qui cite Le Pallet "Palatium" entre Chesiacum et Castrum Rainerii, Montfaucon et Champtoceaux.
La réponse à cette question est d'autant plus précieuse que les commentateurs autorisés de ce diplôme sont d'accord pour estimer qu'il reflète la situation ecclésiastique des possessions de l'église de  Nantes au milieu du Xème siècle. Nous devons hélas nous contenter pour le moment de ces interrogations et continuer d'ignorer à partir de quelle date l'église Saint-Vincent a supplanté Saint-Étienne comme église paroissiale.

Historique du prieuré
Un pouillé de 1330 du diocèse de Nantes cite "Le Pallet , Prior de Palacio" parmi les églises du diocèse. Le nom d'Etienne n'est encore pas avancé.
Le parchemin de 1498 nomme "Sainct Estienne du Pallez" et donne une liste impressionnante des possessions du prieuré. On connaît le nom du prieur Nycolas Suyreau. Il existe des "écoles" qui appartiennent au prieur qui les donne "à qui bon lui semble". En 1554 le prieur se nomme Thomas Guennon.

Au XVIIème siècle apparaît dans nos documents le dispositif juridique de la "commende" : En 1679, René Buon, chanoine aumônier du roi est prieur commendataire de Saint-Étienne mais ne réside plus au Pallet. Il continue néanmoins d'en toucher les revenus. Dans un aveu, il se fait représenter par Jean Corbon de la prévôté de Nantes. On remarque même que la maison du prieur, sans doute inutile, est en ruine. Les écoles lui appartiennent toujours et il peut en nommer le régent.
En 1683 l'archidiacre Binet fait sa visite au nom de l'évêque de Nantes et après avoir visité Saint-Vincent se rend à Saint-Étienne : la maison est toujours en ruine mais le mal s'étend à la toiture de la chapelle dont la charpente  est pourrie et il manque des tuiles sur le toit. Le prieur commendataire est une prestre nommé Ratabon qui, contrairement à ses obligations, ne fait pas dire par le recteur du Pallet les trois messes par semaine auxquelles il est en principe tenu. Le recteur se fait rappeler à l'ordre par Binet et doit recueillir auprès du fermier le prix de ces trois messes.
En 1698 c'est un sieur Roudier à Paris (!) qui est prieur commendataire. Il n'existe toujours pas de logis pour le prieur auprès de la chapelle et le bénéfice est estimé 200 livres, ce qui est fort peu comparé à La Trinité de Clisson dont le bénéfice est estimé 3000 livres.

Un siècle plus tard, le 17 juin 1780, nouvelle visite d'un l'envoyé de l'évêque. Le prieur commendataire est Léonard Fargeau, prêtre chanoine de Saint-Léonard en Limousin (!). Le service n'est plus que d'une messe par semaine. Léonard Fargeau sera le dernier prieur.  En effet depuis le 2 novembre 1789 les biens du clergé sont mis à la disposition de la nation comme "biens nationaux" et  l'Assemblée Nationale demande au prieur commendataire une déclaration de ses possessions, à savoir l'inventaire des biens liés au bénéfice du prieuré. Thomas, ancien recteur du Pallet, porteur de la procuration de Fargeau, signe cet inventaire le 26 février 1790

Il ne reste plus qu'à trouver un acquéreur pour ces "biens nationaux". Ce ne sera pas très difficile. Dans la ville du Pallet, plutôt acquise aux idées nouvelles, plusieurs citoyens, par exemple Louis Coullon, charpentier et futur maire ou François Boidron, marchand de vin et également futur maire après Coullon se sont naturellement portés acquéreurs de bénéfices ecclésiastiques sur le Pallet ou Monnières. Mais c'est François Maillard, meunier, demeurant également en la ville du Pallet  et son frère René, à qui ces biens étaient déjà affermés, qui font le 10 octobre 1790 une offre de 440 livres pour le principal. L'adjudication aura lieu à Clisson le 6 avril 1791. Dès lors le prieuré de Saint-Étienne n'existe plus. La chapelle sera démolie après 1817.

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