La butte du mont Pallet

 


La butte d'Abeillard

  • Cette butte du mont Pallet comme l'appelle le peintre Doomer, ou butte d'Abeillard comme l'écrit le cadastre de 1805, domine une boucle de la petite rivière Sanguèze d'une hauteur d'environ 30 m.
     
  • Au pied de cette butte : un gué et des moulins devenus scierie.
     
  • L'ancienne appellation de cette rivière était Saint-Guaize. Le confluent avec la Sèvre Nantaise a lieu quelque 800 m en aval.
     
  • La N 149 est un tracé du XVIIIe siècle. Le pont sur la Sanguèze date de 1804, à l'instigation du clissonnais François CACAULT

Le site où nous voyons s'élever aujourd'hui un calvaire et une chapelle, dite chapelle Ste-Anne, est bien celui qu'Abélard appelle "oppidum" dans son "historia calamitatum mearum". Ego igitur oppido quodam oriundus, "Je suis originaire d'un certain oppidum" et Abélard continue proprio vocabulo Palatium appellatur. " On l'appelle proprement "Palais" Le Pallet.

En savoir plus sur ce texte latin
Ego igitur
La destruction de 1420

De cet oppidum, de cette forteresse, il ne reste aujourd'hui que les murs du donjon sur quelques mètres de hauteur, à mi-pente d'une "butte" en partie naturelle.


Sur le pont Trubart à la Chapelle Basse-mer
Reynald Secher, Histoire de Bretagne
En effet, le 12 février 1420, le duc Jean V de Bretagne est invité à venir chasser à Champtoceaux par Marguerite de Clisson. Mais c'est un guet-apens. Des cavaliers aux ordres de Marguerite le font prisonnier et le traitent sans ménagement.

Ogée, Dictionnaire de  Bretagne.

Les troupes bretonnes mettent alors le siège devant Champtoceaux pour délivrer Jean V. La ville est prise, son château est détruit. Les châteaux de ceux qui ont soutenu Marguerite de Clisson subissent le même sort.

La ville et le château du Pallet qui sont peut-être d'obédience clissonnaise sont très probablement rasés par les Bretons.
Un aveu de 1533 de la chatelllenie du Pallet, conservé aux archives de la Chambre des Comptes de Bretagne nous fait lire :
"...
.le chasteau et emplacement d'icelui du Palets, qui aultrefois fut abattu par le temps des guerres qui ont esté oudit païs et duché de Bretagne ..."
Clisson et ses monuments, de Berthou, p.15


Marguerite de Clisson en prière


 La reddition de Marguerite de Clisson


La pesée du duc Jean V

Voir: Philippe Richard "Olivier de Clisson".  2007, Editions Opera, 44115 Haute-Goulaine
        Werner Robl,"De Geoffroi Grisegonelle à Pierre Abélard" Histoire du Pallet - destruction du donjon

DE PALATIUM  À  LE PALLET

Du nom de Palatium à Le Pallet, au cours des siècles, l'orthographe se transforme. Dans la charte de confirmation des biens de l'église de Nantes, octroyée en 1123 par le roi Louis le Gros à l'évêque Brice, Le Pallet est nommé encore : " Palatium ", et dans le livre de la Savate de 1278 : " Palacium ". En 1315, sur le sceau de Raoul Souvaing, seigneur du Pallet, est gravé " Palais ", mais déjà une charte de la même année lui donne le nom de " Le Palez ". Ensuite et jusqu'au XVIIIe siècle, dans les anciens aveux, on lit toujours : Palletz, Paletz, puis à la fin du XVIIIe, Palet ou Le Pallet
"Le Pallet, patrie d'Abélard"
, Collectif, Association Culturelle Pierre Abélard, 1980, p. 11

DOOMER Lambert

Peintre néerlandais, (Amsterdam 1622 - Alkmaar 1700). Fils d'un encadreur qui travaille pour Rembrandt, il est vers 20 ans l'élève de ce maître. On lui doit quelques tableaux influencés par Rembrandt, mais surtout de très nombreux dessins au lavis ou rehaussés de couleurs qui sont les fidèles témoignages de ses voyages.
Vers 1642, il voyagea en France, en Allemagne, en Angleterre et peut-être en Italie. Mais c'est en 1645 qu'il vient à Nantes chez ses frères Maerten et Hendrick établis comme négociants à la fosse. En mai 1646 il est rejoint par un des ses compatriotes Willem Schellink et c'est ensemble qu'ils visitent la région et remontent la Loire pour regagner Paris.

Claude Cosneau, "L'échappée belle", Nantes 1987.


Musée Dobrée, Nantes, La butte du mont Pallet -Cliché Chantal Hémon

"L'oeuvre est structurée par la succession des plans d'ombre et de lumière qui donne à cette vue sa profondeur et un effet un peu dramatique accentué par la solitude du lieu" . Claude Cosneau. 
On aperçoit un calvaire qui porte les "instruments de la passion" : l'échelle, la lance et le roseau. Le calvaire sur cette butte est donc bien antérieur au XIXe siècle. L'existence de moulins et d'un gué est aussi attestée par ce dessin. Le toit pointu derrière les moines ne peut être que la chapelle St-Jean, tout à fait à droite, le domaine de la "Grange". On distingue nettement enfin  les ruines du donjon et l'allure de l'église Saint-Vincent.

D'autre oeuvres de Lambert Doomer
dans les environs de Nantes. Cliquez  ici!

Le peintre Claude Thiénon 1772 -1846, est un ami du baron Lemot 1773-1827 qui vient d'acquérir entre 1805 et 1807 la "Garenne Lemot" à Clisson. Il est probable que le sculpteur et le peintre se sont connus en Italie. Lemot lui  demande donc de dessiner des vues de Clisson et de ses environs. Trente gravures seront éditées en 1817 dans un bel ouvrage in 4° dont les 118 premières pages sont une histoire de Clisson non signée mais en réalité écrite par Lemot lui-même. Deux  gravures concernent le site de la butte du Pallet avec pour chacune la mention de la "maison d'Abailard".

CLaude THIENON, 

Voyage pittoresque dans le bocage de la Vendée, ou vues de Clisson et de ses environs.
Dessinées d'après nature et publiées par C. THIENON, peintre; gravées à l'aqua tinta par Piringer. Paris, Didot 1817 in 4°, pl III.

Vue du passage du torrent appelé la Sanguèze et des ruines de la maison d'Abailard au Pallet, sur la route de Nantes à Clisson.

En comparant cette gravure avec le lavis de 1645, on note que le calvaire a disparu et que le profil de l'église (aspect du clocher) s'est un peu modifié. Permanence du gué, du moulin et surtout des ruines du donjon.

Claude THIENON

Voyage pittoresque dans le bocage de la Vendée, ou vues de Clisson et de ses environs.
Dessinées d'après nature et publiées par C. THIENON, peintre; gravées à l'aqua tinta par Piringer. Paris, Didot 1817 in 4°, pl II.

Vue du pont Cacault et du bourg du Pallet, près Clisson; derrière l'église, on aperçoit les ruines de la maison d'Abailard.

On connaît de Benedikt Piringer 1780-1826 d'autres gravures: Vue de la ville de Lyon à l'aquatinte 1820.

On connaît d'autre oeuvres de Thiénon : une aquarelle "St-Cloud", des vues de Tivoli au crayon, etc.

C'est au cours de l'été 1817 que William Dorset Fellowes entreprit le voyage qui le conduisit à Clisson et dans le bocage vendéen en passant par Le Pallet. Son récit en anglais fut publié à Londres en 1818 avec de nombreuses illustrations sous sa signature, dont cette vue des ruines de la maison d'Abélard. Voici son récit :

"La bonne méthode pour voyager dans cette région, c'est à cheval. En fait, il est impossible de faire autrement lorsque l'on quitte la route principale. Après m'être procuré un guide et des chevaux, je suis parti le matin, de bonne heure, traversant la Loire par le Pont Rosseau (sic), vers Vertou et prenant le long des rives de la rivière Sèvre. Vertou est un village romantique situé sur une colline : beaucoup de maisons sont en ruine, suite aux destructions de la guerre de Vendée.

Ensuite, vers Le Palet (sic) les routes très compliquées, ou pour parler clair, les chemins, assombris par les branches  qui pendent des arbres et dans beaucoup d'endroits défoncés avec de la boue, où les rayons du soleil ne parviennent pas à sécher la terre, rendent la progression difficile et souvent nous perdons notre chemin. Il s'était passé du temps quand nous atteignîmes Le Palet. Bien que je n'avais pas pris de nourriture depuis plusieurs heures, je n'ai pu m'empêcher de m'arrêter pour contempler cet intéressant  paysage. J'ai fait un rapide croquis des ruines de la maison dans laquelle Abélard est né et dans laquelle Héloïse a habité avec lui avant leur séparation finale. Les ruines de la maison de Bérenger, le père d'Abélard, sont proches de l'église du Palet, sur la gauche de la route principale, à trois miles de Clisson. Le Palet est ainsi décrit par un auteur français, dans l'histoire de cette province : ...(suit une longue citation en français de Lemot)"

W.D. FELLOWES, ESQ, a visit to the monastery of La Trappe in 1817, with notes, illustrated with numerous coloured engravings, from drawings made on the spot. London, third edition, 1820,page 77 and 78.



Aquarelle originale, datée au dos : 1817.

William Dorset FELLOWES, 1769-1852
Très belle oeuvre ; simple paysage , sans présence humaine, lumineux et paisible, tout en douceur. Don d'un membre de l'ACPR, propriété actuelle du Musée du Vignoble

Faut-il souligner que W.D. Fellowes s'est  servi, pour sa propre aquarelle, non seulement de "son rapide croquis" comme il le dit dans son récit, mais aussi de la gravure de Thiénon ? Pour preuve, les sept autres gravures de Thiénon dont on trouve le pendant dans la publication de Fellowes en 1818 : La grotte d'Héloïse à Clisson, Les rochers de granite dans la Garenne, Le Connétable de Clisson, Les ruines de Clisson, La tour des pèlerins, Le moulin aux chèvres, La tour d'Oudon.
 

Pour le rapprochement des gravures de C. Thiénon et
celles de W. D. Fellowes, aller sur la page
comparaison.

William Dorset FELLOWES
Gravure de I. Clark dans l'ouvrage de W. D.  Fellowes cité ci-dessus, p. 84. Publication 1818.

On retrouve deux personnages, mais ce ne sont pas ceux de la gravure de Thiénon. Il n'y a pas non plus de cheval franchissant le gué.

Deux autres gravures, dans ce même ouvrage, se rapportent à l'histoire d'Abélard et d'Héloïse,

  1. En frontispice,  la tombe d'Abélard et d'Héloïse au musée des monuments français de Lenoir.

  2. La grotte d'Héloïse à la Garenne Lemot.


Ruines de la maison d'Abélard

La biographie de W. D. Fellowes n'est pas banale. Cet aristocrate anglais est né en 1769 sur un bateau, le Dorsetshire, durant un voyage à Minorque. Il a fait ensuite sa carrière dans la "Navy" comme officier. Il lui est arrivé, le 28 juin 1803, une aventure extraordinaire. Alors qu'il commandait le "Lady Hobart", navire "malle-poste" armé de canons, au temps du blocus contre la France, son bateau a percuté un iceberg au large de Terre-Neuve et a sombré. Vingt-huit personnes, y compris trois femmes, ont été sauvées après sept jours et six nuits passés dans deux embarcations de fortune, très étroites, presque sans manger.
Grâce à ses relations, il obtient un poste important à la cour de George IV. C'est en 1815 qu'il rencontre en France son grand amour qu'il épousera après la mort de sa première femme et dont il aura une fille, Hélène. Il meurt en 1852 à 83 ans.

En savoir plus, en anglais, sur W. D. Fellowes.

Une courte biographie de la famille Fellowes dont celle de William Dorset Fellowes http://www.burkes-peerage.net/sites/common/sitepages/page13i-dec.asp
Le texte anglais "A visit to the monastery of  La Trappe" http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Gallica&O=NUMM-102411
Le récit du naufrage du "Lady Hobart" par le capitaine Fellowes.
Cliquer sur "Loss of Lady hobart"
http://www.falmouth.packet.archives.dial.pipex.com/id24_m.htm

Retour au sommaire Page précédente